En Moselle, VNF rénove un ouvrage métallique du XIXe siècle.

Des savoir-faire devenus rares sont mobilisés pour qu’il regagne solidité et étanchéité.

Le pont-canal de Rech (Moselle) est l’un des tout premiers de ce type construit en France et également le premier doté d’une structure métallique. Il permet au canal de la Sarre de franchir la rivière Albe au cœur du bien nommé village de Sarralbe. Mis en service en 1866, il accueillait alors un important trafic de marchandises issues des aciéries allemandes et des faïenceries françaises. Mais le fret sur cette voie de petit gabarit – 48 m de long sur 11 m de large – s’est tari dans les années 1960-1970, remplacé par la navigation de plaisance. Aujourd’hui, environ 2 000 bateaux y circulent chaque année.

Le canal, qui s’appuie sur deux piles maçonnées, a été réalisé en fer puddlé, tout comme le sera la tour Eiffel vingt ans plus tard. « C’est un ouvrage précurseur qui a servi de prototype aux ponts-canaux métalliques construits ultérieurement, comme celui de Briare, au-dessus de la Loire », explique Vincent Duval, chargé de projet chez Voies navigables de France (VNF) à Strasbourg. Une infrastructure novatrice pour l’époque mais qui, à près de 160 ans, accuse le passage du temps. Des opérations de restauration avaient déjà été menées de manière échelonnée tout au long de sa vie mais la corrosion de la charpente métallique, les infiltrations d’eau depuis le canal, la dégradation des appuis maçonnés et les chutes de pierres depuis les voûtains nécessitaient une action massive.

Les préparatifs du chantier – qui a débuté en mai 2023 – ont été marqués par l’installation de la base vie en hauteur, car l’Albe est coutumière des crues. « Elle est déjà sortie de son lit plusieurs fois depuis le début des travaux », confirme Vincent Duval. VNF a ensuite confiné l’ouvrage pour décaper les peintures existantes qui contenaient du plomb. Les bâches habillent ainsi un échafaudage en partie suspendu qui a été implanté tout autour du pont-canal. Au total, 2 400 m2 de métal ont été décapés à l’extérieur et 600 m2 à l’intérieur.

Remplacer des rivets, pas si courant. La structure a été rénovée à l’identique « autant que possible », explique Vincent Duval qui précise : « Le fer puddlé est très cassant, c’est pourquoi les constructeurs l’ont assemblé par des rivets plutôt que par des soudures qui l’auraient fragilisé. » Mais pendant les travaux, les équipes ont découvert des impacts de balles datant sans doute de la Première Guerre mondiale. « Les réparations n’avaient alors pas été effectuées dans les règles de l’art, décrit Vincent Duval. Nous avons donc posé une trentaine de nouveaux rivets avec des platines de renfort pour garantir l’étanchéité et le maintien de la structure. Or il ne reste que très peu d’entreprises qui maîtrisent encore cette technologie et qui disposent du matériel et des qualifications nécessaires pour forger des têtes de rivets. » Par chance, l’une d’entre elles, Snem, est mosellane, et a pu assurer les remplacements.

Pour stopper les arrivées d’eau sur les appuis maçonnés en grès des Vosges qui subissent des infiltrations, les équipes ont réalisé une étanchéification en déroulant une géomembrane de part et d’autre de l’ouvrage, lestée ensuite par un cuvelage de béton. Le chantier a comporté une période dite « de chômage » fixée plusieurs mois à l’avance pendant laquelle la circulation a été stoppée et le canal vidangé sur le bief pour réaliser les travaux. Celle-ci vient de se terminer, et le canal a été remis en eau. Il ne restera plus qu’à attendre l’été et l’assèchement des interventions sur les maçonneries pour déclarer le chantier achevé.

Le Moniteur du 20 mars 2024

Le projet

  • Maitre d’Ouvrage : Voie Navigable de France
  • Maitre d’Œuvre : INGEROP
  • contrôle Technique : CEREMA
  • Montant des travaux : 1 170 000 € TTC
  • Démarrage : Mai 2023
  • Durée : 19 mois
  • Nos partenaires : Groupement SAERT (mandataire) / ETANDEX